L’impact de la crise covid dans la fonction RH | Interview vidéo de François Serizay – DRH de grands groupes industriels

Interview écrite résumée | Crise Covid-19 et fonction RH

Quel a été l'impact du covid-19 dans la fonction RH ?

Etant totalement sortis du covid, nous l’espérons tous, nous partirons de l’hypothèse que le covid est derrière nous. L’impact me parait évident ; le monde du travail a été soumis pendant près de deux années à un double mouvement de travail à distance : le télétravail et le chômage partiel.

On revient à « la normale » mais est-ce que « la normale » est normale ? En d’autres termes, est-ce-que c’est la normale que nous avons connue il y a deux ans ? Et je crois que le challenge qui est offert aux entreprises c’est celui-là, étant revenu à ce que nous avons connu il y a deux ans; et ma réponse est non ; nous sommes au seuil d’un monde du travail qui est, ou qui sera résolument différent ; que ce soit dans son orientation verticale c’est-à-dire le rapport hiérarchique qui va être certainement transformé ; latéralement parce qu’il y a un fort besoin me semble-t-il de rapports et d’échanges beaucoup plus prononcé que ce que nous avons pu connaître avant cette crise, et sur le plan des relations syndicales, évidemment qu’il y aura de nouveaux modes de négociations.

Et d’ailleurs les syndicats qui ont été très impactés par cette crise covid ont fait preuve de leurs capacités à envisager d’autres modes de négociation, ils l’ont prouvé avec des accords qui ont été menés de manière atypique et cela laisse augurer un mode de relation du travail entre partenaires sociaux qui sera lui aussi impacté, sans doute transformé, c’est le souhait que nous pouvons faire.

Semble-t-il encore possible de revenir à un mode de fonctionnement pré-covid et le voudrait-on ?

Cet état des lieux étant fait, est-ce-que nous pouvons revenir en arrière ? Nous allons bien être obligé d’une certaine manière de revenir en arrière. Mais est-ce-que les conditions de ce retour en arrière sont identiques ? Personnellement je ne le crois pas, parce que l’expérience du télétravail notamment et de tout ce qu’il a induit, a créée de nouvelles habitudes et surtout de nouvelles attentes. Il y a eu un fort développement d’anxiété chez les collaborateurs ; c’est-à-dire que la crise covid a suscité à juste titre une certaine anxiété avec de nouveaux modes de travail. Et d’ailleurs l’on a souvent constaté que les réactions individuelles étaient très difficiles et que le télétravail générait une forme d’anxiété. Le retour en arrière devra être le contraire : si la crise covid a suscité chez certaines personnes de l’anxiété, il faut que le « retour en arrière » suscite au contraire un sentiment supplémentaire de bienveillance, d’appartenance, d’empathie.

Une des caractéristiques du monde du travail que nous avons connu avant le covid, non pas dans toutes les entreprises, c’est cette absence de bienveillance et d’empathie. Je pense que la nouvelle marque de ces nouveaux modes de relation au travail sera au contraire marquée par davantage de bienveillance, d’empathie. Ça ne signifie pas que tout le monde aura le droit de faire ce qu’il veut évidemment, mais laisser place à des formes relationnelles qui sont sensiblement différentes, et cela me parait être une attente très forte des collectivités de travail : bienveillance et empathie qui vont déboucher sur de l’efficacité.

Il va falloir essayer de conjuguer l’efficacité économique avec une certaine efficacité humaine et sociale. Est-ce ce que moi j’appellerai un nouveau contrat social ? Je fais référence à ce que nous avons connu au siècle des lumières avec Rousseau ; je dirai un peu car je crois que se dessine la nécessité d’établir de nouvelles règles. J’aime bien cette notion de contrat car il y a nécessité véritablement et non pas au sens de contrat de travail évidemment ; mais il me semble important de développer un nouveau contrat social. C’est mon crédo, mon message et ma conviction personnelle.

Quelles préconisations avez-vous pour les DRH pour la suite ?

Les préconisations pas uniquement pour les DRH mais il y a des préconisations à faire à la fois pour le management et bien-sûr pour les DRH. En ce qui concerne le management, la principale préconisation est celle de tracer des perspectives, montrer un cap qui ne soit pas exclusivement économique. Les entreprises qui ont bien résisté à cette crise du covid ont donné un cap et ont fait preuve de solidarité. Elles ont été capables d’afficher une mission qui n’était pas exclusivement économique mais également sociale, de solidarité, et il y a eu des exemples absolument formidables d’entreprises qui ont découvert ou qui ont mis à jour de nouvelles formes de relations au travail. Et je pense que c’est un point extrêmement important pour les entreprises dans le cadre du management.

Pour les DRH plus particulièrement, je crois que les DRH tout en conservant leurs rôles habituels qui n’ont pas sensiblement changé, doivent également aider le management à formaliser un parcours, une vision, accompagner le management dans la mise en œuvre de cette vision et donc adapter les outils classiques qu’ils utilisent à ce nouvel environnement. Comme exemple pour illustrer mes propos, nous pouvons prendre l’évaluation des performances. Est-ce-que l’évaluation de la performance doit se faire de la même manière que nous avons toujours connu ces dix/vingt dernières années ? Je ne crois pas. Je crois que la notion même de performance doit être définie d’une manière un peu différente et la mesure de la performance également. Il serait bon de savoir si on parle de performance individuelle car on doit tous être performant de manière individuelle, mais au-delà de tout cela il y a une performance collective ; ce qui nous fait retomber à nouveau sur cette notion de collectivité, de réussite ensemble. Et pour ce faire il faut avoir un cap, une vision et des outils qui soient en cohérence avec cette vision.

Quels sont les nouveaux modes de recrutement et quel est leur impact dans les entreprises ?

S’agissant du recrutement, comme processus clé des entreprises et pas seulement de la fonction RH, la crise covid a eu des impacts. L’un des premiers impacts est qu’évidemment, le recrutement a été plus difficile en pleine crise de covid, mais surtout les entreprises ont fait face à des vagues de démissions considérables, notamment aux Etats-Unis où ça a pris des proportions invraisemblables et qui continuent ; et qui dit vague de démission dit vague de recrutement. Les challenges du recrutement me semblent-ils ont considérablement été impactés à la fois par le covid et par les conséquences du covid. Je voudrais revenir sur quelque chose qui à mon sens a eu un impact énorme, c’est ce que Franck Riboud, à l’époque patron de Danone, a appelé « la guerre des talents ». Et je crois que cette notion de « guerre des talents » a pris un sens beaucoup plus aigue maintenant avec les vagues de démissions qui a entrainé une hausse considérable du nombre de start-ups unipersonnelles en France.

Il y a donc une raréfaction des talents qui a été accrue par la crise covid et qui implique de nouvelles approches du recrutement, et c’est ce que j’appelle la guerre des talents. Et pour gagner cette guerre des talents du côté des entreprises, d’une part il faut beaucoup plus d’agilité dans le recrutement dans la mesure où le recrutement traditionnel était un rapport de force et les forces n’étaient pas toujours égales car c’est l’entreprise qui prenait seule la décision finale. Mais actuellement ce n’est plus l’entreprise qui mène le jeu, ce sont les talents.

Aussi, l’entreprise doit avoir des choses à dire et ce qu’elle a à dire reposent sur ses valeurs. Chaque entreprise a explicitement ou tacitement un système de valeurs et il faut les mettre en avant. L’entreprise doit se vendre et le meilleur moyen dans notre époque actuelle de se vendre c’est d’afficher une proposition qui donne envie au candidat d’adhérer à ce système de valeurs, avec une condition : l’authenticité !

Est-ce que tout cela implique quelque chose ? Oui bien-sûr parce que les outils eux aussi ont changé. 80% des postes à pourvoir actuellement échappent au réseau traditionnel. Cela signifie qu’il y a toute une économie souterraine mais de qualité et de canaux de recrutement qui sont prédominants. Une entreprise qui se limite donc aux canaux traditionnels, ça devient beaucoup plus difficile pour elle. Ce qui a changé les choses ce sont Internet et les Réseaux Sociaux, et donc une entreprise qui se priverait, volontairement ou involontairement de ces nouveaux canaux n’auraient pas la même performance en termes de recrutement. La cooptation par exemple lorsqu’elle est faite dans la prudence, permet de développer une culture d’entreprise, une solidarité, un lien. Et je crois qu’il faut absolument que les recruteurs réfléchissent à ce qui permet dans leur pratique quotidienne de créer du lien tout en s’assurant de la qualité de leur recrutement. Mais la qualité est présente, il y a pléthore de qualités ; alors que faire pour attirer cette qualité ? Voilà à mon avis le challenge des entreprises en matière de recrutement.

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