Les défis de l’international – Partie 2 | Interview vidéo de Xavier CARLIER

Photo de l'intervenant Xavier CARLIER

Interview écrite résumée | DG

Quels ont été les challenges majeurs DE VOTRE votre expérience de DG d’usine en Inde ?

C’est vraiment de casser les barrières. C’est quand même un pays où on le sait, qui est extrêmement hiérarchisé avec les castes, même si elles n’existent plus officiellement, dans les faits ça existe et ça reste très puissant. Mais c’est réussir à impliquer tout le monde, y compris la base. La base se plaignait énormément du management et c’est vrai qu’il y avait un management qui était très lourd, pas très actif, très dans la réunionite. Et quand il y avait des propositions qui venaient des ouvriers, certaines étaient excellentes, extraordinaires, et ça évitait des gâchis terribles ; mais ce n’était pas remonté soit parce que ça venait pas du middle management, soit parce que on avait peur de le faire remonter. Donc il y avait réellement une coupure entre la base et un certain nombre de personnes. Là où j’ai taillé, c’était beaucoup plus dans le middle Management, en leur donnant des objectifs, en réduisant quand même la voilure à ce moment-là, et en travaillant avec eux au quotidien.


L’autre challenge c’était les politiques
parce qu’en Inde il n y a pas de financement des partis politiques, donc les partis politiques doivent se débrouiller et souvent viennent les entreprises. Quand je suis arrivé, on m’a dit « Monsieur Carlier, n’oubliez pas, demain c’est le jour des enveloppes ». Alors ce n’est pas oublié, je n’avais jamais su, et surtout c’est hors de question. C’est une boîte européenne, donc il n y a pas d’enveloppe et surtout pas de financement des partis politiques, c’est absolument exclu. Donc j’ai reçu le député, je lui ai dit qu’on ne faisait pas ça, et il m’a dit « vous savez, on peut fermer l’usine, c’est facile ». Et finalement, de fil en aiguille, on a travaillé ensemble. Je ne lui ai jamais donné d’enveloppe, je lui ai donné des produits qui étaient un petit peu vieux qu’on allait scrapper, donc il a pu les utiliser et les donner. Et lui, son objectif c’était d’employer du monde, des personnes des villages alentours et de donner des cahiers aux écoliers, de supporter l’éducation. Et nous avons créé quelque chose tous les deux où lui il apportait la main d’œuvre et nous fournissions un atelier et de l’eau. On a récupéré ensemble, parce qu’il y avait également une entreprise qui faisait de la récupération de déchets, des papiers, des carton, des emballages de nos usines et des usines alentours, et nous les avons recyclé pour en faire des cahiers d’écoliers. Et nous avons créé une association qui est ensuite une ONG qui s’appelle collection for Education et ça a très bien marché, depuis 2015 ça tourne encore.

Quelles sont vos méthodes pour gérer de grands projets en multisites, à l’international ?

Je pense qu’il y a un élément très important, c’est d’avoir son propre réseau sur place. Quand vous travaillez en multi site, ne faites pas confiance uniquement aux rapports et les rapports ne vont pas tout vous dire. Donc il faut aller sur place, il faut discuter avec les gens sur place, il faut passer du temps avec eux. Il faut aller dîner avec eux, faire des sorties avec eux… mais il faut vraiment être sur place, donc ça veut dire qu’il faut voyager et prenez vos chaussures de sécurité avec vous. C’est à dire que quand vous êtes dans un atelier, vous mettez vos chaussures de sécurité parce que c’est obligatoire et il faut vraiment aller dans les ateliers, à tous les niveaux de l’entreprise. Ce n’est pas toujours évident de discuter parce qu’il y a souvent de gros problèmes de langue, mais faut comprendre les personnes, il faut aller vers eux, les écouter, les considérer, c’est très important.


Également l’un des mots clés est toujours la transparence et elle paye à tous les niveaux. Je pense qu’il n y a pas de messages que les personnes ne puissent pas comprendre, il n y a pas de message qu’il faille cacher parce que ce n’est jamais bon mais il y a toujours des façons d’expliquer, de justifier.

Et nous les managers, nous n’avons pas toujours raison. Nous avons besoin d’avoir l’opinion d’autres personnes quel que soit le niveau. Quand les personnes connaissent l’entreprise, souvent ils aiment leur entreprise et ça il faut bien s’en souvenir aussi, et quand on aime son entreprise, on aime son outil de travail, on a envie de le préserver. Donc on a des idées et ces idées sont souvent pertinentes, il faut simplement les mettre en valeur. C’est mon avis, mais c’est pareil, je dirais en France et à l’étranger.


La difficulté à l’étranger c’est que quand vous débarquez dans une usine, vous êtes un peu une bête curieuse donc il ne faut pas avoir peur de ça. Et puis surtout il faut être capable de dialoguer, de discuter avec tout le monde. Ce n’est peut-être pas donné à tout le monde mais c’est possible. Il ne faut pas avoir peur d’aller vers les personnes et les côtoyer, car on ne peut comprendre un certain nombre de choses qu’en les vivant.

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